DISNEY / CENSURE |
MISE EN LIGNE : 1999 |
Mathieu T. est désespéré.
Non seulement, il a dû bloquer l'accès à son site internet depuis le 4 janvier 1999, mais de plus, Disney vient de lui annoncer qu'il est désormais non réembauchable.
"No rehire!", comme disent les américains. Pour Mathieu, c'est une catastrophe. Car ce ne sont pas tant les menaces de procès de Disney que l'éventualité d'un licenciement qui l'ont amené à ne plus dévoiler aux internautes les "hiddenmickeys" de Disneyland Paris, ces secrets du parc que lui transmettaient nombre de cast-members... quand il ne les récoltait pas lui-même.
"Mais je n'ai jamais travaillé pour récupérer des secrets en vue de les mettre sur le site web" explique-t-il avec insistance. Pourtant, rien n'y a fait : convoqué pendant son service (il travaillait alors en attraction) au PC de sécurité du parc, on le menace de procès et de licenciement immédiat en raison du contenu de son site, que Disney n'apprécie guère. Malgré sa bonne volonté et ses explications, personne n'accorde de crédit à ses propos, lui, le passionné du Phantom Manor, désormais considéré à l'égal d'un traître, ou d'un espion approchant de trop près quelques secrets bien protégés des regards des 11 millions de visiteurs du parc.
Disney a-t-il eu peur des révélations de ce jeune webmaster étudiant?
Non. Mais voilà que l'on touche au patrimoine hautement privé de la souris, et celle-ci montre les dents, intimide plus qu'elle n'agit. Et se refuse à tout commentaire, quitte à négliger quelques notions de droit élémentaire auprès de ceux qu'elle accuse. Ici, il ne s'agit pas seulement de propriété privée, mais d'idées "copyrightées" et formatées, où la seule vision, les seuls objectifs d'émancipation des employés doivent intégralement être abandonnés au profit de l'entreprise paternaliste et protectrice dont rêvait autrefois Walt Disney.
Et dans cet univers conservateur et capitalistique, il arrive plus que de raison que l'on chasse les mouches au fusil -avec tous les dangers que cela comporte.
Gérard Burlet, conseiller général de Torcy, a également expérimenté la méthode forte Disney bien avant l'ouverture officielle du parc. Amoureux de l'univers Disney et de ses parcs d'attractions américains, il prit l'initiative de publier une revue informative à destination des citoyens de son canton; revue agrémentée de nombreuses photos personnelles et de dessins inspirés de ceux produits par la société. Un premier numéro est publié. Puis un second.
Mais alors que ce dernier est encore sous presse, Gérard Burlet est convoqué à Paris où il rencontre l'avocat maison de Disney. L'occasion pour cet élu RPR de mettre à contribution ses études de droitdélaissées depuis son entrée dans la vie active. Disney abandonne finalement l'idée du procès, et autorise "à titre gracieux" la publication de la revue qui paraîtra finalement sans illustration de couverture.
Une bavure rattrapée avec le du troisième numéro dont la société Disney réalisera a elle-même le dessin de Une! Afin d'éviter toute "sortie de piste", assurément.
Ainsi, après avoir impressionné ses proies, la souris n'en prend que plus aisément le contrôle.
Radical pour la liberté d'expression, mais terriblement efficace pour obtenir une communication d'entreprise sans "bugs" ni aspérités.