Il se trouve à l'entrée de Disneyland Paris un simple panneau qui accueille, semaine après semaine, l'ensemble des visiteurs du parc. Ce panneau prévient qu'ici, toute la journée, les "guests" seront filmés. Non pas surveillés, mais filmés, tels les figurants volontaires d'une oeuvre cinématographique en temps réel. La nuance est majeure : dans un parc Disney, il n'y a pas de spectateurs. Nous y sommes tous acteurs -même si le choix du rôle ne nous appartient pas. Walt Disney fut le metteur en scène de son parc. Les "imagineers" sont les metteurs en scène des attractions. Et le parc est le metteur en scène de l'unique film joué par près de douze millions d'acteurs chaque année en France.
n ne saurait réellement comprendre un parc à thèmes Disney sans en évoquer le schéma originel, le contexte fondateur. Sans retrouver l'esprit des foires et des expositions (universelles). Robert Fitzpatrick, ancien PDG d'Eurodisneyland, n'hésita pas à déclarer que Versailles fut le premier parc à thèmes du monde. De même, l'écrivain américain Ray Bradbury se plaît à rappeler que les travaux de Viollet-le-Duc inspirèrent la construction du premier château de la Belle au Bois Dormant, en 1955. Et l'on retrouve toujours dans l'une des boutiques de Main Street (une confiserie) un hommage aux promenades d'autrefois au détour d'une peinture murale célébrant "Atlantic City 1892" et ses "double dare loop coaster". Peu importe la réalité de ce lieu. Peu importe la réalité des parcs Disney. Un homme a su les imaginer.
Les premiers jardins : utopiques et communautaires
La place du marché est l'ancêtre de la foire, tout autant que les jardins européens du XVIIème et du XVIIIème siècle. En 1660 ouvrirent à Londres les "Vauxhall Gardens", maintes fois rénovés, renommés au fil des siècles. Jardins, boutiques, magiciens, restaurants, concerts, feux d'artifices et ballons captifs s'y succédèrent. Populaires, ils l'étaient, assurément, réminiscences des carnavals d'autrefois et de leur extraordinaire transgression de l'ordre social. A Londres comme à Paris, de tels jardins reflétaient les visions utopiques et communautaires de leurs fondateurs. Lors de leur "exportation" aux Etats-Unis, on présente ces premiers parcs comme des "soupapes" de sécurité sociales, ou, mieux, des alternatives à l'urbanisme florissant de la seconde moitié du XIXème siècle. Mais l'enthousiasme ne dure qu'un temps : bientôt, des voix s'élèvent, stigmatisant les coûts d'exploitation de pareils parcs et jardins, alors que la résistance s'organise face à ces mondes urbains recomposés, cette scénographie du vivant. Vient le début d'une nouvelle ère.
Naissance des premiers parcs
Les expositions succèdent aux jardins. Plus belles, plus grandes, plus impressionnantes, elles ne gardent de leurs ancêtres qu'une lointaine ressemblance. Les visiteurs doivent désormais acquitter des droits d'admission pour y pénétrer, et l'on n'y rencontre plus ni alcooliques, ni marginaux. Tout y est planifié, calculé, normalisé, assemblé dans une enceinte privée où exercent une multitude de concessionnaires garantissant le succès financier de l'exposition. On y développe les premières attractions à sensations, "grandes roues" ou illusions. Ainsi naissent les premiers parcs d'amusement, à l'aube du XXème siècle. La violence y est bannie, les spectacles salacieux des foires inexistants, la propreté indispensable. A Chicago, en 1933, l'exposition internationale rencontre un succès sans précédent. On y célèbre le centenaire de l'entrée de la première locomotive dans la ville, et Walt Disney découvre le potentiel inexploité de ces expositions universelles où sont "reconstitués" de nombreux villages "exotiques". Dès lors, de nombreux artistes des studios Disney réaliseront à la demande de Walt plusieurs séries de croquis et scènes d'intérieur de l'Amérique d'autrefois. Disneyland prend forme.
"Je ne veux pas juste amuser les enfants avec des promenades à poney ou des balançoires", annonce Walt Disney. "Je veux qu'ils apprennent quelque chose de leur héritage". Ce "quelque chose" se nommera "Main Street", "Frontierland", "Fantasyland", "Tomorrowland"... Les villages exotiques trouvent une correspondance indédite. Dans la presse, les rumeurs font état de "Disneyland -une Amérique historique en miniature".
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|  Avant 1992, l'Espace Euro Disney fut ouvert au public pour présenter le parc. Architecte : Robert Stern. | |
"Je ne veux pas juste amuser les enfants avec des promenades à poney ou des balançoires. Je veux qu'ils apprennent quelque chose de leur héritage". Walt Disney |
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