ombien de centaines de millions de visiteurs à travers le monde ont traversé Main Street depuis l'ouverture du premier Disneyland? Point de passage obligé, cette rue américaine ne saurait se résumer à un simple alignement de boutiques et de restaurants. Main Street est d'abord une initiation, une immersion. Un travail d'orfèvre où l'on entend crier les "patients" du dentiste, où l'on retrouve l'ambiance des artères marchandes de cités américaines n'ayant jamais existé ailleurs que dans l'esprit des collaborateurs de Walt Disney. Face au développement et à l'anarchie du consumérisme, Walt Disney prend le parti de caresser le regard du spectateur, quand la concurrence l'agresse jusqu'à saturation. Main Street se devait donc de refuser toute cacophonie visuelle, tout stimuli menaçant l'unité de l'ensemble urbain. A l'inverse d'une architecture "d'architecte", Walt Disney privilégie délibérément le citoyen/consommateur derrière lequel s'efface le "créateur". Pour approcher le mieux possible les souvenirs d'enfance des visiteurs, les bâtiments de Main Street ne respectent pas l'échelle qui devrait être la leur, alors que s'élève à l'horizon le premier et principal marqueur visuel de "gratification" du visiteur : le château de la Belle au Bois Dormant. Visible depuis l'ensemble du parc, il est le point de repère universel, dominant la place centrale (le hub). C'est Walt Disney lui-même qui imposa pareil élément vertical fort afin d'affirmer chaque section du parc. La puissance symbolique du château fut telle qu'une fois stylisé, il devint la "référence" Disney en symbolisant le logo de la Buena Vista Company.
Faire de la rue un jouet
Walt Disney n'était pas un architecte. Il ne se fiait jamais véritablement aux plans qui lui étaient soumis, ne jugeait que sur pièces et se passionnait pour chaque détail. Il s'avéra rapidement que le "background" était capital pour obtenir la confiance du public, un sentiment de bien-être inattendu. Le 2 avril 1992, à Marne-la-Vallée, personne n'avait encore officiellement foulé le bitume de Main Street. Il aurait pourtant semblé que ce lieu avait toujours existé, avec sa multitude de détails représentés au 5/8ème de leur taille réelle. "Cela coûte plus cher, mais cela fait de la rue un jouet" expliqua un jour Walt Disney. "Et l'imagination peut jouer plus librement avec un jouet"... dont Disney maîtrise l'ensemble des caractéristiques. Chaque perspective, chaque paysage est minutieusement étudié, calculé, travaillé, aménagé, jusqu'à obtenir la satisfaction des "imagénieurs" Disney... et du public, persuadé d'agir de son plein gré au sein du parc. Car Disneyland est une ode à la régularité, l'affirmation souveraine de l'ordre des choses, un ordre inéluctable et souterrain gouvernant la disposition de l'univers. Un ordre intimement réconfortant, que perpétue l'oeuvre de Walt Disney. Il réalisa des dessins animés, des films, projeta la création de villes, de communautés. D'histoires. Disneyland est l'une de ces histoires, dont Main Street constitue la remarquable exposition.
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|  Première vision architecturale de Space Mountain, aux Etats-Unis, dans les années 1960. | |
Disneyland est une ode à la régularité, l'affirmation souveraine de l'ordre des choses, un ordre inéluctable et souterrain gouvernant la disposition de l'univers. |
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